Retour à Reims [Fragments]

 

Ramener aux dimensions d’un film d’une heure et demie Retour à Reims, texte éclaté de Didier Eribon autour d’une honte sociale, qui passe allègrement d’une époque, d’un personnage et d’une thématique à l’autre, supposait de le trahir en assumant des choix. En l’occurrence, d’écarter tout ce qui dans le livre à succès du sociologue, avait précisément trait à la personne de l’auteur — de la question homosexuelle à celle du transfert de classe. Jean-Gabriel Périot s’est ainsi concentré sur l’histoire ouvrière, à travers la figure de la mère qui le touchait plus particulièrement. Il a aussi rétabli un fil chronologique, et procédé à un montage très synthétique de certaines de ses phrases.

Sur ces « fragments », dits par la comédienne Adèle Haenel, Jean-Gabriel Périot appose des images d’archive de natures diverses, avec lesquelles les mots dialoguent ou se mettent en tension. Le film élargit ainsi le propos de Retour à Reims, en lui associant une variété de représentations de l’histoire ouvrière du courant des années 1950 à nos jours : plans d’actualités et bribes de reportages, fragments de documentaires, voire de fictions. Croisant les histoire collective et intime comme le réel et la fiction Retour à Reims [Fragments] vaut pour l’audace et la pertinence de son projet, comme pour l’aboutissement de sa réalisation.

 

François Ekchajzer
Télérama
17 novembre 2021